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Services express régionaux métropolitains, les travaux pratiques avec le collectif Objectif RER métropolitains

Objectif RER métropolitains. Table ronde consacrée à la gouvernance, au financement et à la société civile, 9 février 2024, Strasbourg

Crédit photo Objectif RER métropolitains. Table ronde consacrée à la gouvernance, au financement et à la société civile, 9 février 2024, Strasbourg

L’annonce présidentielle [le 27 novembre] d’une “grande ambition nationale” devant déboucher sur le développement de services de type RER dans une dizaine de métropoles françaises a pu être diversement interprétée au départ. Annonce sans lendemains? Question préalable de la régénération ferroviaire? Demande répétée de moyens supplémentaires pour les transports urbains - en dehors même de nouveaux projets ? Le fait est que quelques mois plus tard, et une loi  [sur proposition de Jean-Marc Zuelsi], elle a permis la mise en place d’une matrice de dialogue entre plusieurs parties prenantes, l'illustration nous en a été donnée lors des journées organisées à Strasbourg les 8 et 9 février par le collectif "Objectif RER métropolitains".

Et de fait, leur richesse a tenu autant aux interventions, des plus pointues, qu'aux échanges, exigeants. Tout le monde était là avec un intérêt certain pour le sujet. Le monde du rail bien sûr, y était bien représenté; les "étoiles ferroviaires" pourraient de nouveau scintiller, avec les perspectives offertes par le cadencement de ces futurs RER. Faut-il y voir le renouvellement d’une ambition pour le report modal? C'est presque une question incongrue: le monde encore plus large du transport public puise dans cet objectif une raison d'être bien avant qu'on ne parle de décarboner nos mobilités, de réduir les émissions de CO2 (c'est à dire avant 1996, avec la loi sur la qualité de l'air). C'est presque une question de philosophie. La matrice "d’une restructuration écologique des territoires périurbains", selon l’expression très heureuse de Jean-Claude Degand, porte-parole du collectif, pouvait aussi s'y retrouver. On voudrait en tout cas le croire au moment où un nouveau ministre délégué aux transports a pris ses fonctions.

Son nom a été connu in extremis, avant la cloture des travaux. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas suscité un grand enthousiasme.

Mais ce n'est pas une question de personne. L'assistance, nombreuse, était au travail. Avec le recul parfois de plusieurs décennies d'expérience. Avec la sérieuse implication d'un public d'ingénieurs. Ce d'autant qu'avec dix projets à l’horizon 2030 - et même un peu plus- la France pourrait rejoindre l’Allemagne (quatorze réseaux S-Bahn), l’Espagne (treize réseaux Cercanias) et, évidemment la Suisse (quatorze réseaux RER).

Un sujet d'importance: avec les critères observés en Europe, c’est au moins un Français sur deux qui est concerné par les RER, en Ile-de-France ou en régions, pour faire évoluer ses déplacements.

Une quinzaine de territoires au moins ont manifesté ou confirmé leur intérêt pour un projet de « service express régional métropolitain » (SERM), la dénomination qui convient depuis l’adoption de la loi. Et si le premier colloque organisé par "Objectif RER-métropolitains" s’est tenu à Strasbourg, les 8 et 9 février, ce n’est peut-être pas le fait du hasard. En effet, la métropole européenne de Strasbourg a avancé assez vite ses ambitions en la matière: avec la première étape de son réseau express métropolitain européen (REME), c’est à un choc d’offre de cent vingt trains supplémentaires, soit une hausse de 43 % sur les axes desservis qui a été dévoilé.

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Les SERM ne se limitent pas au seul domaine ferroviaire. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Jean-Claude Degand a bien insisté sur une dimension plus vaste. Ils peuvent, ils doivent être conçus comme des « outils de déconcentration métropolitaine ». Alors bien sûr, les offres nouvelles devront s’appuyer sur les étoiles ferroviaires qui irriguent d’ores et déjà la quasi-totalité des agglomérations concernées, une première étape avec l’infrastructure actuelle étant souvent possible. Mais au-delà, des aménagements d’infrastructures, des gares nouvelles, voire des tronçons de voies nouveaux seront nécessaires, situant les SERM au coeur d’une nouvelle politique intermodale, voire multimodale.

« La diamétralisation [c’est-à-dire la traversée directe des agglomérations, sans changement] des services limitera les correspondances pour les voyageurs et désaturera les gares en évitant le stationnement prolongé des rames. La mise en place complète de ces RER est envisageable en plusieurs étapes successives d’ici à 2030 dans la très grande majorité des agglomérations pressenties » a-t-il par ailleurs confié au Monde.

L’intermodalité, ou un parcours sans couture [l’articulation avec les autres réseaux de transports urbains grandement aidée par de nouveaux outils numériques et une tarification intégrée (*)] se fera grâce à des pôles d’échanges judicieusement répartis pour créer une continuité de service entre trains, métros, tramways, bus, voire avec les autocars interurbains. C’est la nouveauté de l’approche qui intègre les cars, à haut niveau de service, dans la démarche. Sans doute parce qu’en sortant du territoire strict des agglomérations, le mode routier s’y conjugue avec des véhicules interurbains, et non plus les seuls bus.

« L’offre multimodale de services de transports en commun publics, hors région Île-de-France, s'appuiera prioritairement sur un renforcement de la desserte ferroviaire. Elle comprendra obligatoirement une offre de cars express "à haut niveau de service" et des réseaux cyclables ».

Des cars express sont destinés à venir compléter l’offre pour les secteurs à l’écart du train. La distinction entre des transports urbains, de haute intensité d’offres, et les transports non urbains, plutôt structurés sur les cars scolaires voire des cars de ligne régulière, est en effet devenue peu à peu moins pertinente. Les intercommunalités se sont étendues. L’intermodalité train + vélo recèle aussi « un potentiel important à travailler en aménageant des aires de stationnement de vélos près des gares pour le premier et le dernier kilomètre et en facilitant le chargement du vélo dans les trains »,comme le résumé bien Jean-Claude Degand.

Il faut dire que son expérience de directeur SNCF périurbain lui a donné l’occasion d’observer l’évolution du territoire depuis au moins deux décennies. Les territoires, les pratiques et les mentalités ont évolué au cours du temps. On en vient à envisager le covoiturage, c'est dire.

« Un plan de 100 milliards d'euros pour le transport ferroviaire, dont une part importante devrait être dédiée au déploiement des SERM »

L’importance des projets à cheval sur les domaines d’intervention modal et territorial des régions, des métropoles, des départements et des communes suppose le recours à une gouvernance nouvelle - ou, pour les territoires qui s’en sont dotés par le passé, à la définition d’une gouvernance adaptée au projet de SERM. De ce point de vue, l’exemple de la Nouvelle-Aquitaine est riche d’enseignements, notamment pour le développement franc et significatif de lignes de cars express.

Et maintenant ?

Plébiscités lors des débats au Parlement, les SERM sont confortés à la logique de cohabitation qui prévaut dans la gouvernance de nouveaux territoires; ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’exécutif envisage une énième réforme institutionnelle. Sans plus attendre une énième réforme de la décentralisation (qui fait quoi?), les SERM semblent en mesure de rassembler les énergies, mais ils sont aussi l’occasion de nouvelles revendications en terme de financement.

Nul doute que des moyens financiers nouveaux significatifs seront nécessaires. Et l’évaluation des projets devra être menée au-delà des premières estimations qui circulent. En annonçant le 24 janvier leur candidature, la Région Occitanie, Toulouse Métropole et le Département de la Haute-Garonne ont aussi « annoncé la couleur »: les trois collectivités attendent une participation importante de l'État dans le financement de ce projet chiffré à plus de quatre milliards d'euros. Elles proposent plusieurs pistes comme l'augmentation du versement mobilité qui pèse sur les employeurs publics et privés. Lors des débats parlementaires, tout particulièrement, le rapporteur de la Commission Mixte Paritaire pour le Sénat, Philippe Tabarot (LR) a souligné l’inconnu du financement des projets en question. « Les 767 millions d’euros prévus par l’Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-Région devraient permettre tout au plus de financer quelques études », a-t-il poursuivi.

« Il faudra alors y voir clair entre ce qui peut relever, d’une part, des modes actuels de financement via les contrats de plan Etat-régions ou les dotations d’Etat à la maintenance et à la régénération de l’infrastructure ferroviaire et, d’autre part, le produit de ressources nouvelles, comme la taxe sur les bureaux qui finance le métro du Grand Paris ou un versement mobilité élargi », comme le souligne de son côté Jean-Claude Degand.

Une conférence nationale de financement des services express régionaux métropolitains sera ainsi organisée avant le 30 juin 2024, « afin de débattre des solutions à mettre en œuvre pour assurer un financement pérenne des dépenses d’investissement, d’une part, et de fonctionnement, d’autre part, de ces services ». Y seront notamment représentés l’État, les régions, les métropoles, « les associations nationales de collectivités territoriales et de leurs groupements » (Régions de France, GART, France Urbaine, etc.), SNCF Réseau, la Société des Grands Projets (ex Société du Grand Paris), « les entreprises et opérateurs publics de transport public routier et ferroviaire urbain et interurbain ayant une activité en France, et les associations d’usagers des transports nationales » (texte de l’amendement).

Il faudra faire preuve d’inventivité.

Ainsi les SERM devraient être l’occasion de la mise en place de modes de réalisation souples des projets analogues à celui du métro du Grand Paris, avec des sociétés de maîtrise d’ouvrage associant l’Etat et les collectivités concernées, côté dépenses, et de mobilisation les financements ad hoc. Les SERM contribueront en effet à contenir l’étalement urbain et concourront à la limitation de l’artificialisation des sols par une meilleure affectation des ressources, une urbanisation qui pourrait se limiter. Du moins, il faut l’espérer. Les bénéfices en terme de congestion en moins, de pouvoir d’achat, d’amélioration du cadre de vie pourraient inciter les communes et les intercommunalités concernées à prendre le relais, à travers les compétences d’urbanisme et d’espaces publics qui sont les leurs.

Le mot de la fin revient à Jean-Claude Degand; en conclusion d’un article, mais au début d’un travail qui va considérer à travers les évènements à venir [dont celui organisé par le GART à Bordeaux, le 13 mars prochain], l’opportunité réelle que les projets de SERM représente pour la mobilité du quotidien. Il dit « (…) il importe, dans une France où la crainte du déclassement territorial est forte, de répondre par avance à ceux qui attisent ce sentiment : la puissance des solutions déployées avec les RER dans les bassins des métropoles tient à la force de la demande qui s’y fait jour, et l’on doit traiter avec la même détermination politique les villes moyennes et les territoires ruraux afin d’y déployer les solutions adaptées pour garantir le droit à la mobilité qui figure dans la loi d’orientation des mobilités de 2019 ». On ne saurait mieux conclure.

 

Auteur

  • Eric Ritter
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