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Domenico Nucera, Président de la division bus et autocars de l’Acea, répond à Eric Ritter

Domenico Nucera, Iveco Group

Crédit photo Domenico Nucera, Iveco Group

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On sait les avis partagés sur la question. Les objectifs prévus par l'accord politique intérimaire de l'Union Européenne sur les normes d'émission de CO2 pour les véhicules lourds sont considérés légitimes ou trop ambitieux, voire irréalistes. C’est selon. Certains ajoutent, ces objectifs sonneront le glas de l’industrie du secteur en Europe.

On a voulu connaître l’opinion de Domenico Nucera au moment de sa nomination à la tête de la division bus et autocars de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA). Ambitieux, ces objectifs le sont. Car ils « représentent un défi de taille pour l'industrie », pour autant, ajoute-t-il, « en fixant un cadre de soutien et les investissements appropriés, ils seront réalisables ».

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Eric Ritter. Lors de votre prise de fonction vous avez déclaré : « L'UE a fixé des objectifs de décarbonation très ambitieux pour les autobus et les autocars. Pourtant, sur le papier, l'ambition ne correspond pas à la réalité de la mise en œuvre, car l'Europe ne dispose pas de conditions tout aussi favorables. En quoi les objectifs sont-ils « très ambitieux »? Pourquoi les « conditions » ne semblent pas réunies ?

Domenico Nucera. Les objectifs prévus par l'accord politique intérimaire de l'UE sur les normes d'émission de CO2 pour les véhicules lourds sont extrêmement ambitieux. Ils représentent un défi de taille pour l'industrie, mais en fixant un cadre de soutien et les investissements appropriés, ils seront réalisables.

Cela passe nécessairement par des investissements soutenus en recherche et développement en faveur des nouvelles technologies électriques et hybrides mais également, dans les infrastructures nécessaires, telles que les bornes de recharge.

En outre, la transition vers un système de transport durable n'est pas seulement une question de technologie. Cela nécessite également des changements dans les politiques, les modèles commerciaux, la formation, l’adaptation des dépôts de bus et cars aux nombreuses exigences réglementaires d’aménagement, Le soutien financier des opérateurs de transport pour faciliter leur transition. Il sera un facteur clé pour atteindre les objectifs de « décarbonisation » (ou décarbonation, N.D.L.R) avant la fin de cette décennie.

En tant que constructeur, nous nous engageons à faire notre part en fournissant les bons véhicules pour faire évoluer le système de transport européen vers des solutions sans énergie fossile. Nous investissons dans le développement de nouvelles technologies et travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires et différentes parties prenantes pour favoriser la transition vers un système de transport plus durable. Nous sommes aussi en capacité de proposer un écosystème électrique complet, études, infrastructures de charge, télématique, pour permettre à nos clients de réussir cette transition dans les meilleures conditions.

Enfin, la décarbonation du transport nécessite un cadre réglementaire cohérent qui se concentre non seulement sur les technologies zéro émission, mais aussi sur la décarbonation rapide de tous les vecteurs énergétiques : électricité, hydrogène et carburants renouvelables.

 

                    " Les véhicules zéro émission sont souvent plus chers à l’achat que les véhicules conventionnels, même s'ils peuvent être moins coûteux à utiliser pendant  leur durée de vie. Offrir des options de financement flexibles ou des modèles de crédit-bail peut permettre aux opérateurs d’acquérir ces véhicules".

 

Éric Ritter. Pouvez-vous revenir sur les propositions que vous avez faites ? Elles concernent les différents steps ? Le mix énergétique ? Vous pensez qu’il faut plus de place pour le biogaz - et de manière pérenne ? Et pour les e fuels ?

Domenico Nucera. La réalisation d'une transition vers des modèles zéro émission nécessite une approche globale qui réponde aux besoins et aux défis des opérateurs de transport.

Les véhicules zéro émission sont souvent plus chers à l’achat que les véhicules conventionnels, même s'ils peuvent être moins coûteux à utiliser pendant leur durée de vie. Offrir des options de financement flexibles ou des modèles de crédit-bail peut permettre aux opérateurs d’acquérir ces véhicules.

Chez Iveco Group et notamment chez IVECO BUS, nous pensons également que l'avenir de la mobilité passe par le mix énergétique et dans le fait de continuer à proposer plusieurs alternatives pour accompagner la transition énergétique en fonction des territoires.

Parmi les énergies alternatives, le biométhane reste une solution pertinente pour l’avenir, elle est fiable, pérenne et présente un intérêt certain pour les transporteurs, notamment sur le segment urbain et interurbain au-delà de 2030.

Par ailleurs, de nombreux investissements ont porté sur des stations de méthanisation et d’avitaillement, financés par des acteurs publics et privés, et dont il est important de continuer de tirer parti.

 

                           "Dans quelques mois, la nouvelle Commission et le nouveau Parlement devront endosser les objectifs du Green Deal et les textes adoptés.  L’ACEA, venant de publier son manifeste à leur attention, sera très vigilante à ce que soient apportés des moyens à la hauteur de ces ambitions".

 

Éric Ritter. Si on observe plus particulièrement le segment des bus… 2030, puis 2035, c’est trop court ?

Domenico Nucera. La réussite de cette transition dépendra d'un effort collectif et toutes les associations du transport public en Europe se sont exprimées sur la nature du défi sur un laps de temps court. Elle nécessite une collaboration entre l'industrie, les gouvernements, les institutions et d'autres parties prenantes pour créer les conditions nécessaires à la réussite de la transition. Grâce à une approche collaborative, les ambitions climatiques de l'UE pour 2030 peuvent être atteintes. Dans quelques mois, la nouvelle Commission et le nouveau Parlement devront endosser les objectifs du Green Deal et les textes adoptés. L’ACEA, venant de publier son manifeste à leur attention, sera très vigilante à ce que soient apportés des moyens à la hauteur de ces ambitions.

 

                              "Les appels d’offres ou les aides à l’acquisition de matériel roulant électrique devront aussi être définies, avec des clauses d’éligibilité sur la chaîne d’approvisionnement en lien avec l’industrie européenne, comme listé dans le texte du trilogue".

 

Eric Ritter. Et puis pour les autocars, que demandez-vous ? À votre avis, le coût total de possession (TCO) est encore trop élevé ? Faut-il un programme d’accompagnement de l’Etat, de l’UE?

Domenico Nucera. Pour le segment de l’autocar, l’ambition du Règlement CO2 est différente de celle des autobus, pour lesquels un mandat de bus zéro émission est demandé. Les autocars auraient un objectif de baisse des émissions de CO2 de -43%, et non pas à atteindre en 10 ans comme les catégories de poids-lourds déjà régulées, mais en seulement 5 ans. La part des autocars zéro-émission sera donc croissante.

L'Union Européenne, les Etats-membres, les collectivités territoriales joueront un rôle crucial dans ce domaine. D'abord, par d'importants investissements pour mettre en place un réseau complet de ravitaillement en borne de recharge de forte puissance et en hydrogène et, dont une partie sera partagée entre poids-lourds et autocars. Ils peuvent également apporter une aide par des incitations financières, un cadre réglementaire clair et favorable pour les autorisations, pour soutenir le développement de ces infrastructures. Les appels d’offres ou les aides à l’acquisition de matériel roulant électrique devront aussi être définies, avec des clauses d’éligibilité sur la chaîne d’approvisionnement en lien avec l’industrie européenne, comme listé dans le texte du trilogue.

En ce qui concerne le coût total de possession, le coût de l'énergie est crucial pour le secteur des transports. De ce point de vue, l'UE dispose de plusieurs outils à mettre en œuvre, tels que la tarification du carbone de l'énergie et la taxation de l'énergie, qui sont essentiels pour promouvoir les modèles économiques des nouvelles formes de mobilité. En France, les opérateurs vont bientôt bénéficier des évolutions de la TIRUERT sur l’hydrogène et le bioGNV.

Je crois que la collaboration entre les secteurs public et privé peut aider à partager les risques et les avantages du développement des infrastructures. L'UE peut faciliter de tels partenariats, en réunissant les constructeurs automobiles, les entreprises énergétiques et les gouvernements pour travailler à la réalisation d'objectifs communs.

Dans le même temps, la recherche et l'innovation restent au cœur du processus. L'UE peut y contribuer par le biais de financements et de collaborations avec les instituts de recherche et l'industrie.

Chez IVECO BUS, comme expliqué ci-dessus, nous accompagnons les autocaristes avec notre équipe Energy Mobility Solutions. En parallèle, les solutions GNV ont pris une place importante, et nous venons de compléter ces solutions décarbonées avec l’autocar scolaire CROSSWAY homologué B100.

 

                            "Pour la 3ème année consécutive, les solutions électrique + GNV représentent 80% des immatriculations de bus, ce qui est amené à continuer, tout en déplorant le manque d’aide aux bus électriques, ce que ne manque pas de réclamer le GART".

 

Éric Ritter: comment voyez-vous évoluer les marchés en Europe? Existent-ils des lignes directrices?

À l’Est de l’électrique, Italie et France le biogaz ? L’Allemagne ?

Domenico Nucera. Les autres marchés européens bénéficient actuellement des aides du Recovery and Resilience Facility, qui est un instrument de sortie de la pandémie.

Certains Etats-membres ont décidé de flécher ces aides particulièrement pour soutenir le renouvellement de véhicules pour le transport en commun. Les solutions électriques à batteries, à hydrogène et au GNV sont éligibles, parfois les hybrides aussi. Les critères, les typologies de véhicules et les montants pour le soutien à l’acquisition sont différents selon les choix des pays, mais force est de constater que ceci fonctionne, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Europe centrale. Toutefois, nous sommes très attentifs à ce que ces fonds puissent aller à terme et soient reconduits sur la seconde moitié de la décennie. Les premiers signaux ne sont pas spécialement encourageants en Allemagne.

En Italie, nous sommes très actifs avec plusieurs succès consécutifs tout au long de l’année 2023.

En France, les grandes métropoles ont fait le choix de la mixité énergétique, conformément aux textes révisant la Loi sur la Transition Energétique. Pour la 3ème année consécutive, les solutions électrique + GNV représentent 80% des immatriculations de bus, ce qui est amené à continuer, tout en déplorant le manque d’aide aux bus électriques, ce que ne manque pas de réclamer le GART.

 

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Elu pour un mandat d’un an au poste de Président de la division bus et autocars de l’Acea (The European Automobile Manufacturers’ Association), Domenico Nucera succède à Anna Westerberg, President de Volvo Buses. Il est président de la division Bus du groupe Iveco.

 

Auteur

  • Eric Ritter
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